[ Coin lecture et ciné ]

La sagesse de la pieuvre

Récompensé en 2021 par l’oscar du meilleur film documentaire, La sagesse de la pieuvre My Octopus Teacher dans sa version originale – dépeint la rencontre, étrange et poétique, de Craig Foster, un apnéiste sud-africain, et d’un céphalopode. Une année durant, au fil des récifs et des intempéries, ces deux protagonistes vont nouer une singulière relation, savamment mise en valeur au moyen de splendides images sous-marines. Dans les propres mots de Craig, qui plonge tous les jours pour rendre visite à cette fameuse pieuvre : « It’s a hard thing to explain, but sometimes you just get a feeling, and you know there’s something to this creature that’s very unusual. There’s something to learn here. There’s something special about her. » [13:45 – 14:07].  

À mon sens, l’intérêt de ce documentaire peut se lire à partir d’une double dimension. D’une part, il magnifie la complexe (et méconnue !) écologie de la pieuvre : l’élégante fluidité de ses déplacements, son aptitude à se confondre quasi parfaitement avec son environnement, en changeant de forme ou de couleur, ses redoutables talents de prédateurs, l’habilité de ses quelque deux mille ventouses, ses capacités de régénération, … son intelligence ? De fait, les images révèlent un animal merveilleux et fascinant, auquel le·a spectateur·ice finit immanquablement par s’attacher.  

D’autre part, et plus fondamentalement peut-être, La sagesse de la pieuvre permet de questionner la nature des liens qui unissent les êtres humains et non-humains, en brouillant des clivages, supposément hermétiques, qui les distinguent. Ainsi, au fil du documentaire, le rapport d’altérité entretenu par l’apnéiste et la pieuvre se réduit progressivement, jusqu’à exprimer – aux yeux de Craig tout du moins – de la confiance, voire une forme d’amitié. Si des différences fondamentales demeurent, par exemple le fait de devoir remonter à la surface pour respirer ou l’incapacité radicale à communiquer, les images et la narration ouvrent la voie à une relation moins manichéenne que celle de sujet à objet. La pieuvre peut se muer en professeur, capable d’influer sur l’état d’esprit de Craig, voire sur son comportement : « I hadn’t been a person that was overly sentimal towards animals before. I realized I was changing. She [la pieuvre] was teaching me to become sensitized to the other. Especially wild creatures. » [43:47 –  44:05].  

En somme, je recommande ce film à toute personne désireuse de s’immerger visuellement aux côtés de ce fabuleux céphalopode qu’est la pieuvre ; de retour à la surface, vos préconceptions sur les non-humains – même les plus tentaculaires ! – et sur les différentes manières de faire monde avec eux s’en trouveront certainement transformées. 


Lien utile

My Octopus Teacher (2020), réalisé par Pippa Ehrlich et James Reed, produit et distribué par Netflix, durée 85’