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Le Milieu de l’horizon : littérature et écologie

Le Milieu de l’horizon, paru en 2013 aux éditions Zoé, traite les thématiques de la cause animale et de la place de l’homme dans l’écosystème planétaire. L’auteur, Roland Buti, plonge dans le monde animal, et nous fait ressentir la vie à travers des bêtes agricoles. La compassion, l’empathie et la compréhension qu’il nous fait éprouver pour ces derniers font réfléchir le.la lecteur.rice à l’espèce humaine et toute les constructions culturelles et sociales que celle-ci porte pour les cohabitants de notre planète. Ainsi, Le Milieu de l’horizon matérialise, par une sensibilité accrue et un environnement familial touchant, les différents moyens de s’ouvrir, de se remettre en question et d’agir pour les causes écologiques et animales. De la même manière que Leopold Aldo nous invite à « penser comme une montagne »1 ou que le protagoniste Gérald Amussen dans Le Règne du vivant d’Alice Ferney « respire l’haleine salée »2 des océans, Roland Buti nous suggère de penser comme les animaux. 

Roland Buti nous emmène vivre la sécheresse de l’été 1976 en Suisse, dans la ferme de Jean, un paysan de la campagne vaudoise. L’histoire se lit à travers les yeux de son fils, Gus, le protagoniste principal et narrateur du roman. Alors que Jean, pour concurrencer les autres producteurs, doit, contre son gré, se tourner vers les nouvelles méthodes de l’élevage industrielle, la chaleur insoutenable détruit peu à peu les récoltes, les élevages et la cohésion familiale. Tout l’écosystème de la ferme souffre de la sécheresse, tension qui aboutira en une catastrophe naturelle meurtrière.  

En prenant conscience du ressenti intrinsèque des animaux agricoles, plusieurs questions interpellent le.la lecteur.rice : comment les animaux perçoivent-ils et vivent-ils l’agriculture industrielle intensive créée par l’homme ? Quelles sont les différentes représentations qu’a l’homme des animaux dans notre société ? Quelle est l’interaction triangulaire entre l’homme, la nature et les animaux ? Le Milieu de l’horizon de Roland Buti traite ces thématiques actuelles importantes. Le roman montre dans quelle mesure la liberté des animaux a été volée par l’agriculture industrielle et l’élevage intensif, et il exprime les différentes représentations que l’homme se fait des animaux et de la valeur qu’il leur attribue, cela à travers le comportement et les ressentis des protagonistes humains de l’histoire. 

Roland Buti ne prend pas clairement position dans Le Milieu de l’horizon, mais il invite le.la lecteur.rice à réfléchir sur la relation que nous entreprenons chaque jour avec les animaux et l’environnement, cela à travers la vision quasi intrinsèque du ressenti de ces derniers et les figures allégoriques des personnages. La conclusion du roman se montre cependant assez claire : la nature veut reprendre ses droits et remettre l’homme à sa place, en détruisant, par un orage meurtrier, toutes les sources lucratives de la ferme vaudoise en question. Ce message menaçant prône le bien-être de tous avant le profit de l’homme et est souvent inscrit comme morale dans les fictions agroalimentaires.  

« Roland Buti raconte un moment charnière, une page qui se tourne »3. Ceci vaut pour Gus quittant l’enfance, pour l’agriculture traditionnelle remplacée peu à peu par des méthodes industrialisées, mais aussi pour l’humanité : elle doit désormais contrôler une nature vindicative. L’homme n’est qu’une espèce parmi tant d’autres, il doit se montrer reconnaissant des ressources que la mère nature lui offre chaque jour et doit respecter ses égaux, les animaux, en leur octroyant le droit au bien-être, le droit à la vie, leur droit légitime à l’animalité et à l’animation.  


(1) Aldo Leopold, L’éthique de la terre ; penser comme une montagne. 

(2) Alice Ferney, Le Règne du vivant, p. 9. 

(3) Baleydier Pacôme, « Lectures, Le Milieu de l’horizon », p. 204. 

Zélie