[ Coin lecture et ciné ]

Entre fauves

Dans son roman Entre fauves, Colin Niel nous plonge dans les pensées de quatre personnages très différents: Martin, un garde-faune du parc des Pyrénées, fervent défenseur des animaux. Apolline, une chasseuse à l’arc, traversant le globe avec son père pour se procurer de nouveaux trophées. Komuti, un jeune Himba de Namibie, prêt à tout pour prouver son amour à la femme qu’il aime et démontrer son courage à son père.  Et Charles, un lion mâle affamé, chassé de sa tribu, errant dans la savane à la recherche de quelques proies pour survivre.

A travers les ressentis et les descriptions de chacun.e, une histoire cruelle rejoint les protagonistes, pourtant incompatibles. Au-delà du voyage géographique incessant entre l’Afrique et la France, Colin Niel propose un périple philosophique insoluble, mêlant des questions morales à des situations sociales incomparables. Alors que Charles, un des rares lions sauvages restants, s’attaque à du bétail et cause ainsi une catastrophe économique, les Himbas, furieux, veulent sa peau et le gouvernement engage une traque. La Namibie souffre de la sécheresse et ses autorités n’hésitent pas à payer des touristes pour organiser cette tuerie et se libérer d’une menace pour ses troupeaux. Cela doit cependant se régler discrètement, car le lion est une espèce protégée et cet événement pourrait agiter les associations environnementales. Autour de ce noyau déjà fragile se tissent les rôles et les morales des personnages. Martin, haïssant sa propre espèce, s’oppose à toute action menaçant les animaux sauvages, sans hésiter à sortir les armes.  Où se situent les limites d’une cause ? Apolline et son père, qui assurent aimer les animaux – et souhaitent ainsi les accrocher dans leur salon – sautent sur l’occasion, réalisant leur rêve de chasser un lion. Martin, un bout de salami en bouche, se promet de retrouver les assassins de Charles. Colin Niel joue sur des détails qui forment des contradictions morales majeures… Mais peut-on vivre sans contradictions morales ? Parallèlement, Komuti et ses semblables semblent être au plus proche de la nature. Ils vivent en symbiose avec celle-ci, écoutant ses plaintes et priant ses offrandes. La défense des animaux n’est-elle finalement pas un luxe réservé uniquement à ceux.celles qui peuvent se le permettre ? L’intrigue astucieuse de Colin Niel laisse entrevoir une fin tragique et sanguinaire. Le rythme de la chasse devenant de plus en plus soutenu, le dénouement frappe alors le.la lecteur.rice par une question claire : l’extrémisme peut-il vraiment apporter des solutions ? A travers ce roman, l’auteur pousse le.la lecteur.rice à réfléchir à des thématiques actuelles: la place de l’Homme dans l’écosystème planétaire et sa responsabilité quant à agir moralement vis-à-vis des siens et de l’environnement.